OpenAPI : un contrat pour vos API.s
La spécification OpenAPI permet d'écrire le contrat du service fourni par une API REST. Mais comment écrire un tel contrat et à quoi va-t-il servir ?
Comme nous l’avons vu dans le post précédent “OpenAPI dans la jungle du REST”, OpenAPI n’impose en rien la structure des documents retournés par une API Rest, au contraire d’autres spécifications comme le JSON-LD ou JSON API.
Au lieu de cela, OpenAPI offre un formalisme permettant de décrire la structure des documents retournés et plus globalement les requêtes et les réponses http de votre API.
Il s’agit d’une spécification permettant d’écrire le contrat (en .json
ou en .yaml
) d’un service Web REST.
De quoi est constitué un contrat OpenAPI
Qu’est-ce qu’un contrat pour une API ? Que contient-il ?
Selon OpenAPI, ce contrat devra fournir :
- des informations générales (
info
) sur l’API (version, mainteneur, …), - des informations sur les serveurs (
servers
) depuis lesquels l’API est disponible (serveurs d’intégration, de production …), - une description des points d’entrée (
paths
) de l’API et du format de ce qu’ils retournent, - une description des objets (
components
) possiblement acceptés et/ou retournés par l’API, - des informations sur la sécurité (
security
), comme l’authentification.
Voici la base de ce que pourrait être le contrat de l’API de Roller Derby abordée dans le post précédent :
openapi: 3.0.2
info:
version: 1.0.0
title: The famous Roller Derby API
contact:
email: contact@alexisjanvier.dev
security: []
servers: []
tags:
- name: my tag
paths: {}
components:
securitySchemes: {}
schemas: {}
parameters: {}
La spécification étant bien écrite mais très fournie, je ne vais aborder que les points qui me semblent significatifs pour bien comprendre l’objectif d’un tel contrat.
info
: informations Générales
C’est un peu le readme de votre API.
info:
version: 1.0.0
title: The Famous Roller Derby API - FRDA
description: >-
Trouver toutes les informations sur les équipes
et les matchs de Roller Derby en Europe.
![Roller Derby](https://rdc.io/logo.png)
termsOfService: https://rdc.io/api/terms/
contact:
name: FRDA Support
url: https://rdc.io/api/support
email: api@rdc.io
license:
name: GNU GPLv3
url: https://rdc.io/api/LICENSE
components
: schémas des objets
Le contrat va permettre de décrire les objets acceptés par l’API (paramètres de requêtes, contenu du body
pour les requêtes de type POST
ou PUT
…) ou retournés dans les documents. OpenAPI utilise un vocabulaire proche de JSON Schema pour décrire assez précisément la validité de ces objets.
components:
securitySchemes: {}
schemas: {
Player:
description: "Un.e joueur.euse de Roller Derby"
type: object
properties:
id:
type: string
readOnly: true
name:
type: string
minLength: 3
maxLength: 50
number:
type: integer
maximum: 9999
format: int32
picture:
type: string
nullable: true
required:
- id
- name
- number
- picture
}
parameters: {}
paths
: description des points d’entrée
Le contrat doit décrire toutes les URI disponibles, le.s verbe.s HTTP utilisable.s sur cette URI ainsi que les réponses potentiellement retournées avec un verbe spécifique pour une URI spécifique (réponse 200, 404, 500 …). OpenAPI permet aussi de décrire chaque paramètre obligatoire ou optionnel et de donner des descriptions et des exemples aussi bien sur les paramètres de requête que sur les réponses.
Voici un exemple pour la requête en GET
sur https://rdc.io/api/players?pagination
permettant d’obtenir une liste de joueurs.euses.
tags:
- name: Players
paths: {
players:
get:
description: >-
### Retourne la liste des tous.tes les joureurs.euses.
- Cette liste est filtrable et triable.
- Un exemple de liste en ligne : [Les pétroleuses](http://roller-derby-caen.fr/les-petroleuses/)
operationId: getPlayerList
tags:
- Players
parameters:
- name: filter
in: query
description: Filters to apply to query. It's a stringified json object, with key/value filter separated by comma
required: false
explode: true
schema:
type: string
example: '{"number":75,"name":"Vit Ô Bar"}'
- name: sort
in: query
description: Sort to apply to query. A stringified array with [sortProp, sortDirection]
required: false
explode: true
schema:
type: string
example: '["id","ASC"]'
- name: pagination
in: query
description: Pagination parameters. A stringified array with [perPage, currentPage]
required: false
explode: true
schema:
type: string
example: "[10,3]"
responses:
"200":
description: Une liste de joueurs.euses.
content:
application/json:
schema:
type: array
items:
$ref: "#components/schemas/Player"
examples:
shortList:
summary: Une courte liste de trois joueuses
value: >-
[
{
"number": 187,
"picture": "http://rdc.io/pictures/RDC_B_187-Rice-Cooker-.jpg",
"id": "rice-cooker",
"name": "Rice Cooker",
"more": [
{
"question": "Pourquoi ce nom ?",
"response": "J’suis pas contre l’idée d’avoir tort"
}
]
},
{
"number": 171,
"picture": "http://rdc.io/pictures/RDC_B_171-Claraclette.jpg",
"id": "claraclette",
"name": "Claraclette",
"more": [
{
"question": "Pourquoi ce nom ?",
"response": "J’suis pas contre l’idée d’avoir tort"
}
]
},
{
"number": 75,
"picture": "http://rdc.io/pictures/RDC_B_75-Valquirit.jpg",
"id": "valquirit",
"name": "Valquirit",
"more": [
{
"question": "Pourquoi ce nom ?",
"response": "J’suis pas contre l’idée d’avoir tort"
}
]
}
]
}
Nous n’avons vu ici que les principaux points que l’on devra renseigner dans un contrat, avec un unique objet retourné (un player
simpliste) et uniquement sur la première route d’un simple CRUD
, avec uniquement une description d’une réponse positive (200).
On constate que la spécification OpenAPI va permettre d’établir un contrat très précis, mais très, très long à écrire !
Les aides à la rédaction
Logiquement, OpenAPI ne s’adressant finalement qu’à des développeurs, il existe beaucoup d’outils facilitant l’écriture du contrat.
Et tout d’abord, dans la spécification elle-même, comme l’utilisation du $ref
permettant de faire des références au sein du contrat lui-même :
Player:
get:
description: Informations sur un.e joueur.euse.
operationId: getPlayer
tags:
- Players
parameters:
- name: playerId
$ref: "#/component/parameters/PlayerId"
responses:
"200":
description: Le.a joueur.euse demandé.e.
content:
application/json:
schema:
$ref: "#/component/schemas/Player"
Ou bien encore l’utilisation des mots clés allOf
, oneOf
ou anyOf
permettant la composition d’objet :
Player:
get:
operationId: getPlayer
parameters:
- name: playerId
$ref: "#/component/parameters/PlayerId"
responses:
"200":
description: Le.a joueur.euse demandé.e.
content:
application/json:
schema:
allOf:
$ref: "#/component/schemas/Person"
$ref: "#/component/schemas/Player"
Ensuite, il existe des linters (par exemple ESLint et Prettier prennent en charge le yaml
et le json
) et même des plugins spécifique pour les linters (comme eslint-plugin-swagger).
Si cela ne suffit pas, on peut utiliser des plugins dans son IDE (par exemple pour Atom ou VSCode), voir un éditeur dédié comme Swagger editor ou StopLight Studio.
Et lorsque le contrat est rédigé, vous pourrez le tester avec un validateur, comme swagger-cli, Speccy ou Spectral.
Il existe même des outils permettant de tester la sécurité offerte par votre contrat, comme API Contract Security Audit
Code First : générer un contrat d’API depuis le code
Les outils qui viennent d’être abordés vont permettre de faciliter l’écriture d’un contrat d’API en partant d’une page blanche.
Mais il existe une autre approche consistant à générer le contrat d’API depuis le code existant. C’est donc une approche qu’on qualifie souvent de “code first”.
Ces outils ne sont pas magiques, ils ne vont pas lire le code pour écrire un contrat. Ils s’appuient le plus souvent sur des commentaires spécifiques à ajouter au moment de l’écriture du code, commentaires qui serviront ensuite à générer le contrat d’API.
On peut citer un projet comme oas qui se veut indépendant du language de programmation utilisé, ou encore le projet tsoa spécifiquement conçu pour des serveurs d’API codés en TypeScript et executés sur Node.
Voici un petit exemple de ce que pourraient être les commentaires en oas
sur une des routes de l’API de Roller Derby :
/* @oas [get] /players}
* description: "Retourne la liste des tous.tes les joureurs.euses."
* parameters:
* - (query) filter {String} Les filtres à appliquer. C'est un objet json transmis en "string"
* - (query) sort {String} Le tri à appliquer. C'est un objet json transmis en "string"
* - (query) pagination {String} Le pagination à appliquer. C'est un objet json transmis en "string"
* responses:
* "200":
* description: "Une liste de joueurs.euses."
* content:
* application/json:
* schema:
* type: array
* items:
* schema:
* type: object
* properties:
* id:
* type: string
* readOnly: true
* name:
* type: string
* minLength: 3
* maxLength: 50
* number:
* type: integer
* maximum: 9999
* format: int32
* picture:
* type: string
* nullable: true
* required:
* - id
* - name
* - number
* - picture
*/
routes.get('/players', getPlayerPaginatedList);
Mais l’un des projets le plus aboutis et le plus connus reste certainement API Platform, reposant sur Symfony et réalisé par la fine équipe des Tilleuls. Api Platform va bien au delà de l’unique contrat OpenAPI, mais offre un concentré de bonnes pratiques et de bons outils permettant de mettre en place une API.
Que peut-on faire avec un contrat OpenAPI ?
Vous venez de passer un temps non négligeable à rédiger votre contrat, il passe les validateurs : bon boulôt :+1:. Mais à quoi va servir tout ce travail ?
Générer de la documentation
C’est l’utilisation la plus classique et la plus connue. D’ailleur, à l’origine, la spécification OpenAPI s’appellait Swagger. Et si vous ne deviez tester qu’un générateur de documentation pour votre contrat, ce serait sans aucun doute celui-là : Swagger UI.
Je ne suis pas loin de penser que rien que pour la qualité et l’utilité de la documentation générée par Swagger, cela justifie l’investissement en temps dans l’établissement d’une contrat OpenAPI. Pour vous en convaincre, vous pouvez aller jouer avec leur demo.
Mettre en place des serveurs de “mock”
Vous avez rédigé votre contrat, mais vous n’avez pas encore le code implémentant votre API ? Ce n’est pas grave, vous allez pouvoir utiliser un serveur de “mock” qui sera capable de générer une fausse API depuis la description du contrat.
Il existe de nombreux projets rendant ce service, comme Sandbox qui est un service en ligne, Prism écrit en JavaScript ou APISprout écrit en Go.
Faire de la validation en entrée et en sortie de l’API
Lorsque l’on code une API, une partie du travail consiste à valider tout ce qui entre dans l’API. En effet, c’est de la donnée qu’on ne contrôle pas (les paramètres de requêtes, le contenu du body
pour les requêtes de type POST
ou PUT
…).
Or, tout cela est normalement bien décrit dans le contrat OpanAPI qui s’appuie rappellons-le sur une syntaxe JSON-Schema dont voici la base line :
JSON Schema is a vocabulary that allows you to annotate and validate JSON documents.
On va donc trouver des projets permettant d’automatiquement tester tout ce qui entre sur vos points d’entrée d’API, et puisque les réponses HTTP font également partie du contrat, tout ce qui en sort.
Voici un exemple de ce type de middleware pour une API réalisée avec Koa : koa-oas3.
import Koa from 'koa';
import { oas } from 'koa-oas3';
import api from './api/router.js';
const app = new Koa();
app.use(oas({
file: `${__dirname}/openapi.yaml`,
validatePaths: '/api',
validateResponse: true,
}));
app.use('/api', api.routes(), api.allowedMethods());
app.listen(8080);
Générer des tests
Dans la lignée de la possibilité de générer un serveur simulant l’API ou un validateur de “endpoints” à partir du contrat OpenAPI, on devine la possibilité de générer automatiquement les tests fonctionnels à réaliser sur une API. C’est ce que fait le projet Dredd.
Mais je reviendrais sur ce projet que j’ai experimenté dans la conclusion.
Générer des kits de développement (SDK)
Au delà de la documentation, de la validation ou des tests, on peut finallement imaginer des générateurs de système complet : des serveurs, des clients …
C’est ce que proposent des projets comme Swagger Editor ou Apimatic.
Je n’ai pas testé le code généré par ces deux projets, et je reste dubitatif sur le fait de faire reposer tellement de briques logiciel d’un projet sur un “simple” contrat OpenAPI.
J’ai tout de même testé un projet beaucoup moins ambitieux mais qui m’a portant “bluffé”. Il s’agit de restful-react qui peut générer des hooks React permettant d’obtenir des données depuis l’API décrite par un contrat OpenAPI.
Voici un petit exemple toujours basé sur l’API de Roller Derby. Le dataProvider généré par restful-hook s’appelle expressFetcher
et permet d’importer un hook useGetPlayer
qui retourne un objet data
(dans l’exemple renommer en player
). Cet objet data
est typé grace à l’utilisation du contrat OpenAPI.
Pour résumer
Quels sont les points significatifs concernant OpenAPI permettant de conclure ce presque inventaire à la Prévert ?
Commençons par les points négatifs :
- OpenAPI n’est pas un standard. Et c’est un peu le défaut de tous ces acronymes de la jungle Rest. Ce sont des spécifications, mais pas des standards. On prend donc un petit risque en investissant dessus.
- C’est très long et très fastidieux à écrire.
Et à l’opposé, voici ce qui pourrait constituer les points positifs :
- La génération d’une documentation qui reste proche du code.
- Un format qui s’échange très facilement (
json
et/ouyaml
). - OpenAPI est indépendant du langage utilisé pour coder l’API.
- Le potentiel de génération de code ouvert par le contrat.
- les outils existant permettant d’écrire, de valider et d’exploiter un contrat OpenAPI.
Il semble donc y avoir plus de points positifs que de points négatifs. Pour autant, faut-il systématiser l’écriture d’un contrat OpenAPI dès lors que l’on développe une API REST ?
Mon opinion
Tout d’abord, ce qui m’a donné envie de plonger dans cette spécification, c’était la possibilité de générer un document décrivant le métier concerné par l’application développée, pour ensuite disposer d’outils facilitant un départ rapide des développements (serveur de mock, validateurs, documentation, …). Bref, l’idée intellectuellement séduisante d’une approche Contract First, pendant REST de l’approche Schema First en GraphQL.
Si l’approche est séduisante et la volonté de commencer un projet par une approche métier forte tout à fait vertueuse, OpenAPI ne s’y prête pas du tout ! Les contraintes REST ne sont pas adaptées pour décrire un métier spécifique, et je ne vois pas beaucoup de cas où les spécialistes du métier seront capables de valider un contrat OpenAPI !
Bref, OpenAPI n’est absolument pas le bon outil pour faire du Domain Driven Design.
Mais cela ne répond pas à la question de l’adoption systématique d’OpenAPI lorsque l’on écrit une API REST.
Après l’avoir mis en place sur plusieurs projets, un gros projet client, quelques projets open-source et un side-project, ce qui m’est apparu comme une évidence, c’est que si l’on commence à écrire le contrat OpenAPI, il ne faut pas le faire à moitié. Pour une raison tout aussi évidente qui est que l’on risque de se retrouver avec une documentation trompeuse, ce qui est comme dirait ma fille “le pire truc qui soit”.
Mais aussi parce que si le contrat OpenAPI n’est pas non seulement juste mais complet, c’est-à-dire avec toutes les routes décrites, tous les paramètres de requêtes et tous les contenus et headers HTTP de réponses documentés, avec des exemples, une bonne partie des outils disponibles ne servent à rien !
C’est le moment de revenir sur le projet Dredd. Ce projet va générer des tests pertinents sur lesquels on pourra s’appuyer si et seulement si tout les cas à tester sont présents dans le contrat. Mais également, si tous les paramètres décrits possèdent des exemples, car ce sont ces exemples que va utiliser Dredd pour générer les tests.
Il me semble que le seul moyen de s’assurer que le contrat soit toujours cohérent avec l’implementation de l’API, c’est de mettre en place un système de middleware validant toutes les routes d’API, aussi bien en entrée qu’en sortie, en se basant justement sur le contrat. Et donc que si vous décidez de mettre en place un contrat OpenAPI, vous devrez vous astreindre à mettre aussi en place un tel système de validation.
Mais alors, et par expérience, vous allez détester OpenAPI ! Car le middleware risque de vous mettre très souvent des bâtons dans les roues, voir de devenir insultant.
Certains projets pourront largement en profiter. Je pense à des projets dont l’API est le produit, ou des projets conséquents où plusieurs services vont communiquer entre eux via une API REST. Ce sont typiquement des projets reposant sur des microservices codés par des équipes distinctes. Dans ce cas, une documentation à jour et complète de l’API devient primordiale. Pour les autres projets, ce sera toujours un plus d’avoir un contrat OpenAPI. A vous de voir si vous aurez le temps nécessaire pour le gérer… malgré le middleware de validation !